Présentations des conférences «Actualité de la recherche»
Jeudi 18 octobre 2018 de 18:00 à 20:00
Le visa, de verrou à vitrine ? Les transformations de la politique européenne des visas en question – Juliette Dupont
Le visa, document délivré à un étranger pour lui permettre d’accéder temporairement au territoire national, constitue un élément clé de la politique des frontières, qui désigne « l’ensemble des dispositifs de gestion des flux qui entrent et qui sortent d’un territoire/juridiction donné ainsi que le discours sur la menace transfrontalière » (Guiraudon, 2008, p. 174). Or, l’étudier dans un contexte européen révèle une évolution en contraste avec cette logique sécuritaire. Ces dix dernières années, l’activité de délivrance des visas à l’étranger s’est partiellement privatisée et elle est devenue une politique publique rentable (Infantino, 2017). Ces indices du changement de la politique européenne des visas traduisent des dynamiques complexes et peuvent être identifiés comme une forme de diffusion des modèles d’action publique managériaux et néolibéraux.
Le paradigme marchand remplace-t-il le paradigme sécuritaire de la politique des visas ? La présente recherche a pour but d’élucider cette question mais aussi et surtout de la nuancer. En combinant études migratoires et économie politique, l’enjeu est de questionner l’hypothèse de Georg Menz (2009), selon qui les gouvernements adoptent une politique migratoire de plus en plus libérale et tournée vers le modèle de marché. Or cette ouverture envers les flux les plus attractifs se fait au compromis d’une restriction des flux qualifiés comme indésirables. En choisissant l’instrument du visa comme niveau d’analyse, le but d’élucider la nature de ce changement, et de questionner les effets de l’amendement du paradigme sécuritaire par l’impératif de croissance et d’attractivité. Ces hypothèses seront testées à travers la comparaison de la délivrance des visas court séjour de type Schengen par les consulats européens dans deux contextes : en Algérie et en Chine.
La présentation reprend les parties théorique et méthodologique d’une thèse de doctorat en cours. Elle expose la discussion du cadre théorique et comment les logiques de sécurité et de marché peuvent à la fois être antagonistes et s’autorenforcer dans la politique des frontières. Elle précise aussi l’approche méthodologique, à savoir le practice-tracing. Enfin, elle détaille la stratégie comparative de cette recherche : une étude de cas sur la politique française des visas, partagée entre le niveau domestique et communautaire, et son déploiement dans deux contextes distincts.
Bibliographie indicative
- Guiraudon, Virginie, 2008, « Chapitre 6 : Les politiques de gestion des frontières et de l’immigration », Politiques publiques 1, Paris, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) «Académique », 368 pages.
- Infantino, Federica, 2017, « La mise en marché de la frontière, un produit d’Etat. Compagnies privées et mise en oeuvre de la politique du visa Schengen », Gouvernement et action publique.
- Menz, Georg, 2009, The Political Economy of Managed Migration. Non State Actors, Europeanization, and the Politics of Designing Migration Policies, Oxford University Press.
Samedi 24 novembre 2018 de 15:00 à 17:00
Le travail linguistique des Pères Blancs et des Sœurs Blanches en Algérie – Juan Antonio Ochoa
La conférence portera sur les travaux linguistiques des Pères Blancs qui ont travaillé à Ghardaïa et Ouargla, spécialement Jean Delheure dont quelques œuvres et matériaux recueillis pendant plus de 30 ans en Algérie n’ont pas encore été publiés.
La conférence mettra aussi en valeur d’autres comme Roberto Foca et sa méthode directe de mozabite, Maurice Jardon, P. Lethielleux qui nous a donné le côté historique de Ouargla ainsi que son successeur Denis Pillet qui a écrit les cahiers de Ouargla.
Dans le nord, en Kabylie Le Fichier Périodique a consacré les études ethno-linguistiques menés par les Pères Blancs comme J. Lanfry, J.M. Dallet sur la langue Kabyle, H. Genevois et autres.
En ce qui concerne les travaux des Sœurs Blanches, il reste beaucoup à découvrir mais elles ont été de collaboratrices nécessaires et informatrices de tout ce qui concerne les femmes algériennes et leurs métiers, comme Madeleine Allain et ses cours d’arabe dialectal et ses travaux sur la laine à Ghardaïa en collaboration avec Delheure.
Mardi 11 décembre 2018 de 18:00 à 20:00
Le journal « al-Ruh » et les jeunes de Zawiya al-Hamil : La reconsidération du mouvement nationaliste algérien – Kisaichi Masatoshi
Jusqu’à présent, les recherches sur le mouvement nationaliste algérien se sont articulées autour de deux axes : le courant nationaliste laïc lié au FLN, et le courant réformiste islamique lié à l’Association des oulémas musulmans d’Algérie.
Un problème se dégage : aussi bien les chercheurs du premier courant que du deuxième courant minimisent – voire nient- le rôle joué par l’islam populaire des zawiyas, fortement ancrées dans la société algérienne, dans la formation et l’essor du mouvement nationaliste algérien.
Cependant, selon l’observation du journal al-Ruh qui a été clandestinement publié par certains élevés de Zawiya al-Hamil en mai 1948, l’islam et l’arabe n’ont jamais cessé d’être enseignés au sein de Zawiya, et les jeunes qui y étudiaient lisaient les journaux et revues publiés dans les pays arabes et avaient largement connaissance des évolutions en cours dans les pays arabo-musulmans. Ceux de la jeune génération, à la différence des cheikhs de la Zawiya, étaient imprégnés des idées du nationalisme arabe, de la démocratie occidentale et de l’humanisme, et compatissaient également au problème de la Palestine. Aussi, il conviendrait peut-être de reconsidérer notre compréhension établie des relations entre les confréries soufies / les zawiyas et le mouvement nationaliste
Donc, cette communication veut reconsidérer la formation de nationalisme algérien à travers l’analyse du journal al-Ruḥ.
Bibliographie
- Kaddache, Mahfoud ; Histoire du nationalisme algérien : question nationale et politique algérienne, 1919-1951, vols.1-2, Société nationale d’édition et de diffusion, Alger, 1980.
- Harbi, Mohammed ; Le F.L.N. Mirage et réalité, Editions j.a., Paris, 1980.
- Merad, Ali ; Le réformisme musulman en Algérie de 1924 à 1940, Mouton & Co.,Paris et La Haye, 1967.
- Saadallah, Aboul-Kassem ; La montée du nationalisme algérien, ENAL, 2e édition, Alger, 1985.
- McDougall, James ; History and the Culture of Nationalism in Algeria, Cambridge University Press, Cambridge, 2006.
- Kisaichi Masatoshi; al-Ruh:Journal des jeunes Kacimi 1367/1948, Dar el Khalil, Bou Saada, 2017.
Kisaichi Masatoshi
Mardi 19 février 2019 de 18:00 à 20:00
Le Social, le développement et l’intégration en Algérie, 1948-1978 – Brooke Durham
Ce projet de thèse met en évidence le travail social entre 1948 et 1978 pour tracer l’évolution de ce secteur avant et après l’indépendance algérienne. Ce travail se base sur quatre voies d’action sociale pour qui l’objectif était de créer une société égalitaire et juste en Algérie : l’éducation des enfants et des adultes ; le social largement défini (accès au logement, approvisionnement en eau potable, etc) ; le volontariat ; et la formation professionnelle. Des militants, étudiants, enseignants, personnages religieux et des assistantes sociales se regroupaient et collaboraient au sein des organisations comme le Service des Centres Sociaux Éducatifs, l’Institut Musulman de Solidarité Social, le Secrétariat Social d’Alger, les Maison Familiales, et le Service Civil International. Pour ces travailleurs sociaux il était d’importance primordial de travailler ensemble—Musulmans et Européens—et d’initier un dialogue sur le plan humain en mettant de côté les préoccupations politiques de chacun. Ces organisations mobilisèrent les ressources locales et internationales pour remédier l’état miséreux des populations nécessiteuses, et pour favoriser les échanges et la solidarité à l’échelle globale. La richesse de l’action sociale entre 1948 et 1978 met en avant la volonté d’un changement social en Algérie en dehors des revendications des partis politiques et des intellectuels, et démontre un effort réel d’intégration et de développement par l’action social partagé par des acteurs locaux et internationaux.
Bibliographie
- Association “Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs c” L’École en Algérie: 1830-1962, De la Régence aux Centres sociaux éducatifs. Paris: Éditions Publisud, 2001
- Breaking Down Barriers 1945-1975: 30 Years of Voluntary Service for Peace with Service CivilEdited by Olivier Bertrand. La Chaux-de-Fonds, Switzerland, 2009
- Chaulet, Pierre et Claudine. Le Choix de l’Algérie: Deux Voix, Une Mémoire. Algiers: Éditions Barzakh, 2012
- Dore-Audibert, Andrée. Des Françaises d’Algérie dans la guerre de libération: Des oubliées de l’histoire. Paris: Éditions Karthala, 1995
- Durand, Robert. Histoire des Centres Sociaux: Du voisinage à la citoyenneté. Paris:Éditions la découverte, 2006
- Forget, Nelly. “Le Service des Centres Sociaux en Algérie.” Matériaux pour l’histoire de notres temps26, (1992): 37-47
- Fontaine, Darcie. Decolonizing Christianity: Religion and the End of Empire in France and in New York : Cambridge University Press, 2016
- Gillette, Arthur. One Million Volunteers: The Story of Volunteer Youth Service. Middlesex, England: Penguin Books, 1968
- LeSueur, James D. Uncivil War: Intellectuals and Identity Politics during the Decolonization ofPhiladelphia, PA: University of Pennsylvania Press, 2001
- Monastier, Hélène & Alice Brügger. Paix, pelle et pioche: Histoire du Service civil internationalde 1919 à 1965. La Chaux-de-Fonds, Switzerland: Éditions du Service Civil International, 1966.
- Tillion, Germaine. Algeria: The Realities. London: Eyre & Spottiswoode, 1958 United Nations Educational Scientific and Cultural Organization, Fundamental Education:
- Common Ground for All Peoples. London: The Frederick Printing Co. 1947.